Danièle Ganancia, ancienne juge aux affaires familiales, et Isabelle Copé-Bessis, par ailleurs avocate, ont l’habitude de mener des médiations à deux. Le confinement ne les a en rien stoppées. Bien au contraire…

Pourquoi avoir fait le choix de la visioconférence pour vos médiations ?

Au départ ce choix, dicté par le confinement, s’est imposé à nous comme le seul moyen de pouvoir poursuivre nos médiations en cours ou en accepter de nouvelles. Il nous fallait continuer d’accompagner nos clients et les avocats dans le dialogue et la recherche de solutions apaisées et la perspective d’attendre le déconfinement, dont la date n’était pas connue, était inacceptable, voire intenable, pour beaucoup.
D’autant qu’ils ne pouvaient espérer de réponse judiciaire dans cette période où les tribunaux étaient quasiment fermés, sauf urgences caractérisées (type ordonnances de protection) … L’absence de visibilité sur la reprise de l’activité judiciaire pour des conflits qui pourraient paraître non prioritaires a également favorisé, en cette période, le recours à la médiation pour avancer autant que possible et, à tout le moins, désamorcer certaines situations. Nous avons tenté cette pratique en visioconférence au départ, non sans appréhension et questionnement, car la présence physique des parties, la réunion dans une même pièce et l’expression des émotions qui se libèrent dans l’interaction entre elles avec tout le non-verbal et la gestuelle nous paraissaient l’essence même de la médiation dans le domaine familial. Aujourd’hui, notre retour de pratique d’une dizaine de médiations, pour lesquelles nous avons utilisé l’application Zoom, fait émerger, non plus une contrainte, mais une ressource nouvelle, tout à fait adaptée au processus de médiation et riche d’enseignements pour le futur. La médiation « en visio » ne vise pas à remplacer la médiation face-à-face, mais fournit de nouvelles occasions et un enrichissement de notre pratique.

Pourquoi avoir privilégié la co-médiation sur cette période ?

Notre longue pratique de la co-médiation nous a confirmé son efficacité. Nous expliquons bien sûr aux parties qu’il s’agit d’un
service que nous leur offrons (sans augmentation de coût), d’avoir un double regard sur leur situation, avec une écoute, une impartialité et une créativité doublement garanties et complémentaires. Pour certains, il semblait a priori plus usuel d’avoir
affaire à un seul médiateur, en situation d’arbitre, et ils trouvaient la présence de deux médiatrices, par ailleurs avocat et ancien juge aux affaires familiales, source de confusion.
Nous leur expliquons que c’est notre force que d’avoir une expérience et une vision bien plus large que n’en ont les  médiateurs non juristes qui, méconnaissant le poids du judiciaire pour les parties, passent à côté de leur vécu sur ce
plan. Être ouvertes à ce que la médiation peut apporter comme solution impliquait pour nous d’être ouvertes aussi à son montage, en équipe, et aux outils techniques pouvant la servir. D’aucuns parlent de médiation à distance, nous tenons pour notre part à l’expression de « médiation par visioconférence », tant la distance n’a jamais été ressentie comme telle, tout au contraire. Être en co-médiation, c’est être pleinement présent (e), même si on se tait. Être concentré (e), à tout instant, autant sur ce que dit l’autre que vis-à-vis des médiés. À tout instant, cela impose une présence vivante et dynamique, ce d’autant en visio où nous sommes, comme en présentiel, tour à tour observateur et meneur de l’échange. La co-médiation  suppose une implication allant jusqu’au bout du processus : dans les séances, mais aussi les analyses, le « debriefing » pour nous ajuster au fil des séances au ressenti des clients. Chaque médiateur est pleinement responsable de la médiation et du duo.

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